Assemblages transitoires
Mes assemblages se composent d’éléments de rencontre : cailloux, feuilles, traces de pas, fragments urbains, objets du quotidien que je choisis pour ce qu’ils m’évoquent.
Une fois à l’atelier, je
confronte ses différents éléments. Interviennent alors les contrastes de leurs
différentes textures, la ténacité de leurs lignes, les vides et les pleins
qu’ils engendrent. Je crée leur point de connexion dans cette relation
physique, émotionnelle et imaginaire qu’ils entretiennent entre eux.
Ces assemblages -une fois
composés et nommés- s’organisent sur la surface du mur comme des dessins sur
une page blanche et prennent une fonction d’intermédiaire entre signe et sens.
Par la tension qu’ils exercent dans l’espace, les uns par rapport aux autres
ils constituent comme une
écriture.
Je suis face à un
langage, vaste, que forme l’ensemble de mes assemblages. Mon propre langage qui
déjà m’échappe et dans lequel je me perds.
C’est en revenant à
chaque élément qui le compose, en redécouvrant dans chacun d’eux l’émotion dont
il est issu, qu’il reprend tout son sens.
Transitional assemblies
My assemblies are made
with elements found by chance: stones, leaves, footprints, urban fragments,
everyday objects which I have chosen for the associations they make in my mind.
Once in my workshop, I
confront these different elements. Then there are the contrasts between the
different textures, the tenacity of their lines, the empty spaces and the
spaces they fill. I create points of connection in the physical, emotional and
imaginary relationships which they create for me when I am among them.
These assemblies –once
composed and named- are displayed on the wall like drawings on a white page and
they take on a role halfway between sign and meaning. Thanks to the tension
they exercise, side by side, within the space, they constitute a form of
writing.
I am in front of a vast
language which the putting-together of my assemblies has made: my own language,
which already escapes me and in which I get lost.
It is only by returning
to each element of the composition and by rediscovering the emotion which each
one engenders, that I rediscover the full meaning of the language.
"Le masque", Cornes et éventail. 78 x 65 cm, 2011. |
"Labeurs", filet, bobines de fils, collages sur laiton, bouton, végétaux, 45 x 34 cm, 2000. |
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"Sur le fil", Ardoise, couteau de cuisine, collage et dessin mural. 19 x 14 cm, 2005. |
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"La Migration des Pierres", lauze, talon de botte, pierre, fil, clous. 11x17 cm, 2006. |
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"L'embarcation", feutre, os, bambou, fil de fer. 22 x 28 cm, 2003. |
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"Le village", bordures jardin, caoutchoucs à traire. Équilibre 200 x 300 x 50 cm, 2000. |
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"La vague" 2002. Corde et semelles de chaussures d'enfants. 100 x 18 cm, 2002. |
La réalité recomposée
Martine Saurel assemble des matériaux certes récupérés mais avant tout trouvés, choisis par le regard en divers lieux, à toute fins exposantes. Le format est modeste, le rapport à l´objet plus intime et l´on peut constater en regardant se profiler sur les murs ces fins assemblages composés avec méticulosité, presque avec raffinement, combien une nouvelle fois le vide est à même de faire le plein. Les matériaux sont souvent naturels : brindilles, cailloux, dents, os, plumes, tantôt travaillés par l’homme comme cette fronde qui suffit à esquisser une balançoire ou ce feutre sur lequel vogue une frêle embarcation, tantôt laissés pour compte, rejetés des activités humaines comme cet interrupteur en porcelaine qui ouvre les vois d´une constellation bien arpentée. Utiliser ce qui servi à d´autres finalités à des fins esthétiques, telle semble la tâche à laquelle s´est attelée Martine Saurel qui sait l´art d´accommoder les « restes » ou, comme on disait autrefois, les « reliefs » : Pensons à cette cordelette ou sont suspendues des semelles d´enfants dont elle extrait une « nouvelle » Vague.Nature et intimité
Deux thèmes semblent
privilégiés, la Nature, souvent suggérée par des rapports de tension entre les
lignes simples par le matériau à même le mur («Le long du fleuve tranquille»)
par exemple, paysage très dépouillé, très japonisant) et le rapport relatif
d´échelle que la silhouette humaine entretient avec se présence éternelle
(comme dans cet amusant «Casse-tête» à partir d´une fève des rois décapitée et
d´un marteau) ; ou bien un environnement plus intime, comme cette
installation baptisée «Le village», posée à même le sol et qui suggère des
formes de maisons, ici encore à partir de productions industrielles en métal
récupérées. L´imaginaire est évidemment sollicité, l´artiste ne proposant
qu’une épure. Mais toute œuvre ne ramène-t-elle pas la réalité dans son essence
à une épure? Œuvrer c´est
forcément abstraire, réduire à la quintessence, pratiquer des choix. C´est
aussi recomposer ce qui a d´abord été regardé, prélevé, sauvé de l´oubli parfois.
Au demeurant la série de polaroïds montrant d´autres réalisations dès l’entrée
dans la galerie de Martine Saurel est intitulée Epures. Le ton est alors donné.
La réalité ne s´incorpore que par fragments. À l’artiste de les restituer en
leur donnant du sens.
Kit intime
Par ailleurs les
visiteurs sont invités à fabriquer eux-mêmes un assemblage à partir des objets
qui leur sont soumis, mode d´emploi à l’appui. On voit comment l´artiste
récupère donc non seulement les matériaux mais la fabrication industrielle,
usuelle et banale, pour la faire accéder à un statut plus créatif, l´intégrer
dans un projet artistique. Beaucoup d´ingéniosité et d’humour dans cette
production délicate.
B.T.N. Bernard Teulon Nouailles.
Publié dans L´Art Vues en
Mars 2002.
Reality Reassembled
Martine
Saurel assembles materials which have been salvaged but, above all, selected,
picked out by the eye in different places. The format she chooses is modest and
the relationship with the object is intimate. These fine, meticulously composed
assemblies stand out delicately from the walls and we see, once more, how the
void can be filled up.
The
materials are often natural: stones, teeth, bones or feathers. Sometimes they
are man-made, like the “frond” evoking a swing, or the felt on which a frail
boat sails.
Sometimes
they are the remnants of human activity, like the porcelain light switch which
leads us into a constellation. Martine Saurel’s objective, it
seems, is to turn materials destined for other purposes to aesthetic ends. A
person who knows the art of using up “leftovers”, like the thin cord and soles
from which she creates a “new” “Vague” (Wave).
Natur and intimacy
Two themes seem to predominate. The first is Nature, often suggested by relations of tension between the simple lines designed by the material on the wall (for example “Le long du fleuve tranquille” which is a very bare, very Japanese landscape) and the relative scale of the ever present human silhouette (for example the amusing “Casse-tête” made with a beheaded figurine and a hammer). The second theme is Environment, very intimate like that installation “Le village” (The village), using recovered metals, which, placed on the floor, suggests the familiar shapes of houses. The imagination is in demand for the artist offers but a sketch. But isn’t it true that every creation reduces essential reality to a sketch? Creating is necessarily abstraction, reducing to essentials, making choices. It is also reconstructing what has originally been observed, removed or saved from oblivion sometimes. In fact, the series of polaroids showing other works. Is called “Epures” (Sketches). It sets the tone. Reality is incorporated only in fragments; the artist´s job is to restore them by giving them some meaning.
Two themes seem to predominate. The first is Nature, often suggested by relations of tension between the simple lines designed by the material on the wall (for example “Le long du fleuve tranquille” which is a very bare, very Japanese landscape) and the relative scale of the ever present human silhouette (for example the amusing “Casse-tête” made with a beheaded figurine and a hammer). The second theme is Environment, very intimate like that installation “Le village” (The village), using recovered metals, which, placed on the floor, suggests the familiar shapes of houses. The imagination is in demand for the artist offers but a sketch. But isn’t it true that every creation reduces essential reality to a sketch? Creating is necessarily abstraction, reducing to essentials, making choices. It is also reconstructing what has originally been observed, removed or saved from oblivion sometimes. In fact, the series of polaroids showing other works. Is called “Epures” (Sketches). It sets the tone. Reality is incorporated only in fragments; the artist´s job is to restore them by giving them some meaning.
A personal kit
Visitors are also invited to make their
own assemblies from objects which are provided and with the help of
instructions. You can see how the artist salvages not just materials, but also
everyday industrial production processes, elevates them to a higher creative
status and integrates them into an artistic project. There is a lot of
ingenuity and humor in this delicate production, similar to the work of Yves
Reynier or François Dezeuze, but with a more femenine, fragile touch, Martine
Saurel’s work also reveals a certain detached regard for Art History through
the traditional genres which appear between the lines: landscapes, still life,
“Clair obscur” where the artist uses white sugar cubes or pure geometry as in
“Dancesensation”, the arc of a circle outlined by a skipping rope.
B.T.N. Bernard Teulon Nouailles
L´Art Vues February – March 2002.