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"Alphabet", D'un Endroit L'autre, Chapelle des Ursulines, Quimperlé, 2004. |
La nature à portée de main
Quand Martine Saurel
découvre un galet, une plume, ou quelques brins d’herbes, quand elle récupère
un bout de ficelle ou de tuile, les mots dé-signant les choses,
n’affleurent-ils pas à son esprit, attribuant une caractérisation particulière
au type de relation qu’elle entretient avec eux ? Cette étape de son
travail correspond à une première articulation linguistique, qu’elle nomme
« alphabet ».
L’énoncé, chargé de son
champ sémantique, se révèlera plus tard, lors de la combinaison, pour un
nouveaux « rendez-vous », des différents éléments recueillis, sur le
plan même du mur, comme pour commémorer une fête (« 14
Juillet » !) ou un état d’âme (« C’est la fête aux idées
noires »).
La configuration toujours
linéaire que propose l’artiste s’apparente à un idéogramme qui aurait pris du
relief, de la matière et du sens. Venus de lieux divers voués au macrocosme,
vestiges de destins singuliers, synecdoques du règne auquel ils appartiennent
(végétal, minéral, animal, humain), ils acquièrent une signification nouvelle,
liée à leur déplacement, leur rapprochement et leur intégration dans un ensemble
microcosmique. Ils sont alors promis à la communication ; ils s’intègrent
à un univers communautaire, social et culturel. Mais une communication qui
s’appuie sur la chose, le signe, le geste, le dessin, le volume et non
seulement sur la parole. Ce qui n’exclut pas, on l’a vu, d’en mimer le procédé,
la double articulation linguistique.
Ce qui s’articule, ce
sont des bouts de choses empruntées au monde, ordonnés selon des règles
physiques et esthétiques qui font intervenir des rapports de contrastes,
d’équilibres et de tensions, l’élégance de la ligne s’opposant à la compacité
d’une masse inattendue. Martine Saurel joint le geste au signe afin de faire
sens.
Et comme l’énoncé décliné
sur le mur est constitué d’éléments arrachés aux secrets de la natures, qu’il
s’agit de leur attribuer une fonction plus noble, moins convenue, un sens plus
pur, je n’hésiterais pas à propos de ses productions fines et subtiles à parler
de poésie. Lyrique de surcroît, si l’on entend par là l’expression d’une
émotion liée à la nature (Orphée…).
L’architecture des lieux
donne à ces éléments rassemblés en composition hétérogènes, la respiration, le
souffle qui leur permet d’exister et de se distinguer, par leur ténuité même,
sur la page blanche du mur, à l’attention des promeneurs que sont les visiteurs
d’une exposition.
La poétique de Martine Saurel prodigue du sens aux choses et du relief à ce qui sans elle resterait
lettre morte. Ainsi font les poètes de notre langage galvaudé. Aussi n’est-il
pas étonnant de la voir se référer à Guillevic, notamment pour ses explorations
en terre armoricaine, dont elle a arpenté, à toutes fins utiles et exposantes,
les forêts et avens. La poésie potentielle de la nature bretonne, telle quelle
s’exprime dans les choses, éclaire alors cette démarche. L’artiste restitue le
lieu qui l’accueille à lui-même, ne choisissant que quelques détails
significatifs. Elle met ainsi la nature à portée de main, à portée de regard, sans
doute aussi à portée de rêves, à l’instar de ces escargots qui attendent la
pluie sur quelque combinaison de corde, branchette et tricot.
Au demeurant, un mur se
feuillette comme un recueil de poèmes. Infiniment discrets, les assemblages de
Martine Saurel sont des dévoreurs d’espace et ne se conçoivent que sur le grand
format du fond, qui leur assure le « volume » requis.
Enfin cette œuvre
s’inscrit en faux contre ce qui fait pléthore. Être de son temps, ce n’est pas
forcément adopter la technologie la plus sophistiquée, se gaver d’image jusqu’à
l’indigestion. C’est avant tout être de tout temps. C’est ainsi que l’on a des
chances de se mesurer à l’air du temps. Voilà ce qui touche dans cette
production qui se veut authentique et rappelle que la nature comme la culture,
ça nous regarde. À nous d’aller y voir de plus près.
B.T.N. Bernard Teulon-Nouailles.
Catalogue d’exposition, « D’un endroit l’autre », Les Ursulines, Quimperlé, 2004.
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"Le poisson Ti Ti Tirito a les pieds dans l'eau" Filet de pèche, feuille, allumettes et fragment rouge, 2004 |
Alphabet
Les éléments qui viennent composer « Alphabet » ont été collectés au fil de mes promenades dans les forêts bretonnes, l’été 2003, lors de mon séjour en résidence dans les ateliers d’artistes de Pont-Aven.
I collected the elements which make up «Alphabet» in my walks around the Breton woods in the summer of 2003, during my stay in the artists’ workshops of Pont-Aven.
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"En attendant la pluie l'escargot rêve" |
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"Quand le vent brûle à l'est" |
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"Entre chien et loup" |
« Les nourritures de feu » est un recueil de dessins des assemblages présentés lors de l’exposition « Histoire Naturelle » à Pont-Scorff en 2005.
«Les nourritures de feu» [Fire food] is a compilation of drawings of assemblies that I presented in the exhibition «Histoire Naturelle» [Natural History] in Pont-Scorff.
Livre d'artiste "Les nourritures de feu" Achevé le 15 Juin 2005 à Barcelone. Relié par Cecilia Gené. Réalisé à 30 exemplaires. 47 pages, 15,5x11 cm. |
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"Refuge" |
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"Le lien" |
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"Labeurs" |
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"Casse-têtes" |
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"La pyramide de sel" |
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"Sur le fil" |
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